One-Punch Man

J’ai connu One-Punch Man il y a 2-3 ans, plus ou moins à la sortie du premier (ou deuxième)(ou troisième) tome de la version dessinée par Yusuke Murata (d’après un « scénario » de ONE). Le manga venait de commencer et tout le monde s’extasiait dessus, le lisant légalement grâce à un cousin du Japon. Mais moi, cela ne m’intéressait pas des masses. L’histoire d’un mec tellement fort qu’il peut battre n’importe qui ou n’importe quoi en un seul coup de poing ? M’ouais…one-punch-man-1-kurokawa

On m’a vendu un manga, et pour le même prix un anime (car cette critique se base plus sur l’anime que sur le 1er tome à peine sorti), révolutionnaire et parodique, prenant à contre-courant les cliché du shônen type pour les réinventer avec une histoire originale et un univers complexe. La sublimation du shônen (en gros). Et soit-disant, cela commence avec Saitama, ce héros si fort que ses combats se résolvent en un seul coup. Sauf que le héros super fort dès le début du manga, c’est loin d’être inédit. Yugi, par exemple, est le roi incontesté des jeux en tout genre dès le début du manga (je fais pas une fixation sur Yu-Gi-Oh, c’est juste que c’est vraiment le cas). Et ça date d’il y a 20 ans. Kenshin, pour prendre un autre exemple (s’il en faut), est un samouraï super méga doué dès les premières pages, même s’il se cache derrière des airs de nigaud naïf un rien débilou. Et le manga de Nobuhiro Watsuki date de 1994… Bref, rien de nouveau sous le soleil.

Même au niveau du caractère, Saitama n’a rien d’inédit. Blasé et nonchalant du fait de sa puissance démesurée face à n’importe quel ennemi qui l’empêche d’apprécier pleinement ses combats. Le pauvre héros ne ressent plus la moindre tension dramatique. Son but est donc de trouver un ennemi qui lui fera monter des pics d’adrénaline. Car sa super force est ici poussée à son paroxysme. Saitama, contrairement aux autres suscités, ne peut avoir de rival à sa hauteur : il les battra, quoiqu’il arrive, en un seul coup. C’est là la grosse différence. Pas question pour lui de faire de progrès ou des entraînements, il est déjà au sommet. Le problème, c’est donc qu’il n’y a donc pas d’enjeux. Pas de suspens. Pas de tension. Et ce, autant pour nous, lecteurs, que pour Saitama, qui ne ressent plus rien lors de ces combats et recherche désespérément un ennemi à sa hauteur. Il est devenu le super-héros qu’il rêvait d’être, et le regrette désormais. Cela sert surtout à tourner le mythe du super-héros en dérision (avec efficacité), mais l’on peut espérer une plus ample réflexion par la suite (on m’a soufflé sur Twitter qu’il faudra cependant attendre encore longtemps, bien au-delà du tome 10, dernier en date).

Heureusement, ONE a eu la bonne idée d’élargir la galerie de personnages secondaires, qui eux auront des soucis à battre les méchants. En commençant par Genos, un cyborg surpuissant issu d’une technologie avancée. Du duo qu’ils formeront, Saitama et lui, il est le seul à être véritablement en danger face aux nombreuses menaces qui viendront se mettre en travers de leur route. Et dès que Saitama le rejoint, fatalement, tout est réglé en un seul coup.

Et des ennemis, ils en ont à la pelle. Mais c’est un problème, ça aussi. Même si cela permet de la diversité, on a du coup aucun développement des ennemis. A la place, on devient spectateur de combats dénués d’intérêts qui s’enchaînent sans répit. Pour dire, dans la version animée, un épisode de 20 minutes peut parfois contenir trois affrontements… Rapide, expéditif et même : répétitif. On se fiche des ennemis, de leurs origines ou de leurs motivations (que je peux mettre au singulier, tous les méchants voulant simplement prendre le contrôle de la Terre entière…), et l’on nous sert juste de l’action. Roi des Monstroterres, Roi des Profondeurs, Roi des Airs, Roi des Dinosaures, etc. Les ennemis passent mais surtout trépassent. Le plus grand « arc narratif » couvre les 3 derniers épisodes (soit un tome je suppose pour la version papier), c’est dire le développement scénaristique intense des antagonistes. Mais pour le coup (et pour être honnête), ces épisodes l’étaient eux, intenses. Et aussi dramatiques et violents, bien aidés par une bande-son qui colle parfaitement à l’atmosphère apocalyptique. Et le méchant était classe. Il faudra donc s’armer de patience pour découvrir cet arc dans la version papier…

Point positif : le cliché du méchant devenant gentil et allié du héros n’a pas encore été exploité (ni même détourné/réinventé/sublimé). Ce qui, en y réfléchissant, est normal, puisque tous les ennemis se font buter par Saitama. Point négatif : comme tout bon shônen, on suit la progression des héros (sauf Saitama qui est déjà au top niveau) face à des ennemis de plus en plus puissant.

ATTENTION SPOILERS : les paragraphes suivants parlent d’événements ne survenant pas avant le tome 3 ou 4.

La seule idée développée, en l’espace de 12 épisodes, c’est l’agence en charge de superviser les héros et de surveiller toute menace potentielle. Cette idée est à peine effleurée dans le premier tome, grâce au chapitre bonus. Encore une fois, il va falloir attendre pour que le décor soit posé, le début étant vraiment dans l’optique « un monstre = un chapitre » sans trop de background. Mais dès le moment où Saitama et Genos se rendent dans l’agence, ça devient intéressant et l’on sent qu’il y a un potentiel à exploiter. Après, cela redevient classique et on retourne dans les habitudes du genre, avec des classements en catégories (des héros super-faibles en classe D au super-méga-trop-forts en S, mais aussi des menaces, de « Dragon » à « Divin »). Cette agence est aussi un bon prétexte pour présenter d’autres héros. Comme le manga et l’anime (du même coup) ne se prennent pas au sérieux, ce sont des stéréotypes : le vieux pépé gardien de techniques d’arts martiaux ancestrales (tout droit sorti de Hunter X Hunter), le ninja ténébreux à la Sasuke de Naruto, un samouraï… Mais là encore, il y a trop peu d’épisodes pour un réel développement de ces nombreux personnages, qui du coup n’ont pas le temps de dépasser le stade de la caricature. Au final, seul Genos a un début d’arc, avec des motivations détaillées en rapport avec son passé, mais il faudra attendre pour avoir des réponses à ses questions (donc lire au-delà du tome 7, puisque la version animée va jusque-là). Et l’on peut espérer que le manga prendra à chaque fois son temps et quelques pages pour offrir plus de background à tout ces personnages trop secondaires pour offrir un réel intérêt (dans leur version animée).

Et j’enchaîne avec un autre défaut. On a un seul perso féminin, et à peine développé, en 12 épisodes. Un seul. Contre une vingtaine de mecs. A cela, on peut rajouter que c’est également le seul personnage à ne pas se battre avec sa force brute. Comme souvent dans les shônen, elle a des pouvoirs psychiques. La demoiselle se bat donc à distance, alors que les autres usent de leurs muscles, leurs poings, leurs sabres ou leurs armes. Au corps à corps. Mais évidemment, pas la jeune femme, qui est donc pour le moment, bien en retrait, comme dans la plupart des shônen (même si elle est la deuxième ou troisième des plus fort super-héros de classe S). Cela ne nous change guère d’une Orihime de Bleach et ses pouvoirs axés guérison. Note : une deuxième femme apparaît dans l’anime, mais si brièvement que je n’ai pas compris l’intérêt (c’était pour annoncer l’épisode suivant, dans lequel elle n’apparaît pas)(logique). Note : on pourrait compter une troisième femme avec la femme-moustique des chapitres 5 et 6 mais 1) elle est super secondaire et meurt rapidement, 2) elle est super sexualisée et sert pour du fan-serv’ bête et méchant.

J’enchaîne sur la caricature du mec super costaud, homosexuel efféminé et donc maniéré, aux yeux sertis de longs cils, à double-menton et mal rasé. Rien de neuf, rien d’original, rien de réinventé, on voyait le même genre dans One Piece. Et dans tous les mangas représentant (très mal) des travestis et des new half (terme péjoratif désignant les femmes transgenres -et aussi parfois les hommes homosexuels- au Japon, vu que là-bas, comme en France, la distinction entre genre et orientation sexuelle, c’est encore confus)(c’est tellement compliqué ohlala). Sans compter le fait, s’additionnant au reste, qu’il est en prison parce qu’il ne peut retenir ses pulsions sexuelles ?!! WOWOWOW. WOW. STOP. L’homophobie dans les mangas a de beaux jours devant elle.

FIN DES VILAINS SPOILERS.

Si vous avez lu jusque-là, vous devez vous dire que j’ai détesté One-Punch Man et que je suis un SJW qui se venge sur son clavier. Eh ben non. C’était très cool, fun à voir, fun à lire. Mais pas autant qu’on me l’avait dit (c’est un « on » impersonnel visant plusieurs personnes et sites de manganimation). Mon avis, en résumé, c’est que c’est un manga cool, mais pour le moment loin d’être indispensable. Le dynamisme des dessins de Murata est bluffant mais le format épisodique, dû à ses origines, se ressent fortement à la lecture, et le premier tome pâtit de cet aspect « gag manga ». Pour le coup, il aurait été intéressant de frapper un gros coup (de poing ?) en proposant les deux premiers tomes.

4 réflexions sur « One-Punch Man »

  1. On ne m’a pas survendu le truc, la déception n’étant pas au rendez voir de mon côté. Cependant le fait de savoir que le gag manga dure jusqu’au tome 10 frustre un peu. Face à une telle débauche de puissance on demande du répondant. Après en fan de Murata je n’ai vraiment pas été déçu du style ultra speed voulu dans le manga.

  2. Je n’ai vu qu’un épisode dudit anime (qui m’a fait mourir de rire) et que j’ai d’abord considéré comme un concept original et révolutionnaire *w* Mais en lisant ta critique je ne peux pas m’empêcher de la trouver juste ! (je n’avais pas pensé à faire la comparaison avec Yugiet en y repensant je la retrouve chez beaucoup de héros de shonen). Merci pour cet article 😉

Laisser un nyan !