Sous ce titre se cache le premier manga d’Akimi Yoshida à avoir traversé les frontières du Japon pour venir se vautrer en France. Se vautrer, oui. Parce que Banana Fish, ça n’a pas du tout fonctionné en terme de vente, et je suis encore surpris qu’un éditeur français ait décidé de traduire Kamakura Diary (merci Kana).
Plusieurs facteurs (c’est toujours la faute des facteurs) peuvent expliquer ce désamour du public français pour Banane Poisson. En premier lieu, la parution que l’on peut qualifier sans hésiter de chaotique, en début des années 2000 alors que le public n’était peut-être pas encore prêt pour se genre de titre hybride. Je ne sais pas si c’est vrai, mais ça fait toujours du bien pour l’éditeur de se dire qu’il était avant-gardiste, trop en avance sur son temps et tralala pouêt.
En effet, Banana Fish, c’est un shôjo d’aventure/action avec pour héros un voyou qui tente d’échapper à la mafia New-Yorkaise. Le tout mêle donc pègre, drogues, tentative d’assassinat et vrais meurtres, expérimentations scientifiques, réseau de prostitution et plein d’autres trucs glauques, le tout sur 19 tomes. Dans un shôjo. C’est violent, et Akimi Yoshida ne lésine par sur les traumas de son héros, Ash, qui peut compter sur le soutien de son ami japonais Eiji. Eiji, qui nous sert en fait de personnage introductif puisque le récit commence avec lui et que l’on découvre l’Amérique avec ses yeux. Bon, une Amérique des années 80 fantasmée, dans des quartiers mal-famés où rien ne semble pouvoir se résoudre sans la violence et les armes. Une enquête sur le mystérieux projet « Banana Fish » qu’ils feront au péril de leur vie. On est donc loin du shôjo typique avec des midinettes aux grands yeux qui cherchent l’amour sous les fleurs de cerisiers.
Mais ça ne ressemble pas non plus au shônen de base style je veux devenir le plus fort des ninjas/pirates/samouraï/[insérer ici le métier de votre choix]. Car la patte graphique de la mangaka trahit ses influences shôjo, bien que là encore, on est loin des classiques du genre. Le style fait aussi très années 80-90, donc pas récent, et on peut supposer que ça n’aide pas les ventes. Exemple : examinez les top ventes de novembre-décembre 2013, y trouve-t-on l’anthologie de Moto Hagio ? Non. Voilà. CQFD.
Sans compter que si la relation entre Eiji et Ash paraît de prime abord comme une innocente amitié, Akimi Yoshida sème le doute et joue avec les nerfs des lecteurs et lectrices. Ils paraissent parfois plus proches, bien plus que des amis, mais jamais le clair sera fait. La mangaka cultive une ambiguïté comme auraient aimé savoir le faire les CLAMP avec leurs propres shôjos. Bref, ce côté yaoï a pu rebuter certains lecteurs masculins.
Et puis, il y a l’édition. J’ai réussi à ne pas citer le nom maudit sur plusieurs générations de cet éditeur français, mais je ne vais pas pouvoir y échapper si je veux être complet. Le manga a donc été édité par Panini, à l’époque sous le label Génération Comic, mais c’est du pareil au même, puisqu’on ne change pas, on met juste les costumes d’autres et voilà. J’ai connu Banana Fish dans un numéro de Mangajima (oui, ça date) qui en disait beaucoup de bien. Ils étaient cependant impossible à trouver par chez moi, et j’avais d’autres manga à acheter en priorité.
Et s’il n’était pas dispo chez les libraires du coin, c’est parce que ça se vendait mal. Pourquoi ? Parce que Panini, le fameux syndrome Panini. Déjà, pour une raison inconnue, les pages de Banana Fish sont jaunes. Non pas ce jaune dû au vieillissement d’un papier de mauvaise qualité comme pour les Pika. Non. Un jaune assez vif, qui, je suppose, doit évoquer la banane. Heureusement qu’il n’a pas été décidé de rappeler le Fish du titre, ou on aurait eu des odeurs sympathiques à la lecture.
Bref, ce jaune pétant n’a pas dû aider à faire connaître positivement la série. Pas plus que la tenue du livre en main, qui comme pour beaucoup de livres de l’éditeur (exemple : les Saiyuki), craque quand on l’ouvre. La parution était aussi un exploit à suivre, avec maintes reports, qui sont devenus de nos jours une pratique courante pour Panini. Il n’y a que la traduction de Xavière Daumarie pour sauver le titre du naufrage.
Aujourd’hui, le titre n’est plus trouvable en neuf dans le commerce et difficilement en occasion. On se demande donc bien pourquoi je prends la peine d’en faire un article. A part pour dire « Achetez le nouveau Akimi Yoshida, le fabuleux Kamakura Diary ! ». Eh bien c’est parce que j’ai enfin lu la fin. Sans avoir les tomes 18 et 19. Parce qu’ils sont introuvables à des prix décents. Et qu’il y a des gens qui te vendent une « intégrale » des… dix-huit tomes. Sous prétexte que le t.19 ne contiendrait que des chapitres bonus. Ce qui est FAUX. Complètement FAUX. Je souhaite que ces gens peu scrupuleux passent leur vie à marcher sur des legos. Sincèrement.
Car même en imaginant que ce tome 19 ne contient effectivement que du bonus inutile par rapport au récit principal (ce qui est faux, pour rappel, je ne l’ai pas assez répété), une intégrale ne peut pas l’être si elle ne contient pas tous les tomes de la série. C’est. La. BASE. Qu’est-ce qu’il y a de compliqué à comprendre dans la définition du mot « intégrale » pour ces vendeurs du dimanche ? Un peu de cohérence, que diable.
Bref, tout ça pour dire que j’ai finalement craqué pour la lecture en ligne, les fameux vilains scans. Et grand bien m’en a pris, parce que sinon, je n’aurais pas connu l’incroyable fin de Banana Fish de mon vivant. Une fin qui prend aux tripes et qui conclut avec brio cette excellente série.
Chouette article qui me donne encore plus envie de découvrir cette série! 🙂
(hélas effectivement impossible à trouver à prix décent ^^’ tu m’as fait rire avec tes intégrales, j’avoue que toutes les annonces sur lesquelles je suis tombée avaient une notion tout aussi subjective du concept XD)
Désolé ! >_<
Eh oui, ces gens sont nés avant la honte. Et puis, de toute façon, maintenant que j'ai 17/19 tomes, ça ne vaut même plus la peine de chercher une intégrale…
Je confirme qu’il s’agit d’une excellente série. J’avais eu la chance de trouver l’intégrale – la vraie – il y a quelques années à prix décent.
Pour une fois, je salue le travail de Panini Comics : malgré le bide, ils sont allés au bout. Quant au choix de publier ce titre, je suppose qu’ils se seront laissé séduire par les chiffres de vente au Japon.
Je suppose qu’ils n’ont pas trop eu le choix de finir. Quand je vois les parutions selon feu-Mangaverse, c’était un peu n’importe quoi : du mensuel sur les 7 premiers tomes, puis après c’est aléatoire, 2 à 5 mois entre chaque tome. Pour du Panini, c’est… raisonnable.
(Tu sais où me joindre si tu veux vendre tes tomes 18 & 19 ? :3 )
Dans tes rêves ^^
Pour Panini, de l’aléatoire, c’est toujours que ce que nous avons maintenant pour Princesse Kaguya, Tokyo ESP, Ane no Kekkon,… Bref, toutes les séries qu’il me reste chez eux.
Qu’appelles-tu un dessin très années 80/90 ? Bon article sinon !
Ben, un style de dessin qui fait clairement pas actuel ni moderne, où les personnages doivent avant tout être des bishônens, qu’ils soient méchants ou gentils… Des trucs du genre. J’aurais du mal à définir clairement avec des mots précis, mais c’est un ressenti, quelque chose qui se voit quand tu ouvres le bouquin. Y sûrement des gens qui s’y connaissent dans cette période du manga qui pourrait mieux te répondre que moi, sur l’utilisation des trames, de la mise en page, des codes graphiques propres à cette époque et tout le tralala. :3
Et aussi parce que la manga a été publié entre 1985-1995 au Japon.
C’est à double tranchant comme article, d’un côté j’ai maintenant envie de lire la série et de l’autre je sais que ça va être compliqué sans passer par les scans ^^ En tout cas ça donne envie !
Désolé… En plus, il n’y a évidemment pas de scans français… 🙂
moi je connais très bien banana fish, j’ai les 19 tomes ( et les artbook, provenant en direct du japon), j’ai accroché de suite à cette série, je l’adore, je l’ai lu ( je ne compte plus) et la garde précieusement, merci pour cet article qui est tout à fait vrai, pour ce qui ne connaissent pas vous devriez le lire vous serez surpris.
Bonjour,
j’ai adoré ton article, j’ai regardé la série animé qui est sortie l’année dernière, mais je ne sais pas si elle retrace tous les mangas et surtout, si c’est la bonne fin. Du coup j’ai d’abord cherché le manga papier, grand mal m’a prit, parce-que les prix des tomes sont exorbitants. J’ai donc cherché un site pas très légal pour le lire sur internet, mais c’est aussi introuvable ! La bonne blague. Est-ce que par hasard tu pourrais me donner le dite sur lequel tu as lu le manga s’il te plaît ? Je serais vraiment ravie de pouvoir lire l’histoire au complet.
Merci d’avance
Je n’ai vu que le début de l’anime, mais au vu des retours, il est fidèle au manga jusqu’à sa fin (avec peut-être des passages modifiés/abrégés).
Pour les scans, ça fait 4 ans depuis l’écriture de cet article, donc aucune idée du site.C’était vraiment des trucs de basse qualité… D’ailleurs depuis j’ai trouvé les tomes 18 et 19, ouf.
Espérons une réédition prochaine chez un éditeur plus respectueux !