Chapitre 2 :
First day
« I would bathe in a world of sensation
Love, goodness and simplicity
(While violated and imprisoned by technology) »
Song Of Myself, Nightwish.
C’était sa première journée de travail. Du coup, Anzu stressait légèrement. Pas jusqu’à se ronger les ongles, mais presque. Or, elle savait à quel point cette habitude était mauvaise. C’était difficile de ne pas s’y astreindre. Chasser le naturel…
Mais elle ne savait pas pourquoi elle avait été embauché ni les véritables motivations de son employeur, le mystérieux Capitaine Mutô. Contrairement à Kujaku Maï ou à Otogi Ryuji, elle n’avait aucune qualification suscitant un quelconque intérêt. C’était bien pour cela qu’elle bossait pour un fast-food. Avant de poser sa démission le matin même.
Allait-elle se coltiner les photocopies et le café, comme Jôno-Uchi, l’autre lycéen qu’employait Fameginkgo ? Anzu espérait que non, mais l’étendue de son curriculum vitae ne lui donnait pas beaucoup d’espoir pour que cela se déroulât autrement. Cela dit, le salaire que lui avait fait miroiter le capitaine Mutô était largement supérieur à son précédent, donc s’il fallait faire des tâches ingrates, elle saurait s’y résoudre. Et ce, même si son côté rationnel lui chuchotait qu’on ne pouvait pas payer quelqu’un autant juste pour utiliser une cafetière et une photocopieuse…
Elle était devant l’entrée du Game, quand elle se rendit compte que ça ne le ferait pas. Là, c’était l’entrée du magasin, l’entrée pour la couverture. Désormais, elle avait un passe pour pouvoir prendre l’entrée officielle de Fameginkgo. Le capitaine lui avait expliqué brièvement comment cela fonctionnait juste avant de partir. Il avait failli oublier, à vrai dire. Et Anzu était bien contente de pouvoir prendre un autre chemin que celui de la boutique. Cela lui évitait de passer devant le regard inquisiteur, et même pervers, du vieux Sugoroku.
Alors que le nouvelle recrue faisait le tour du bâtiment, se dirigeant vers l’entrée secrète, un homme la prit par le bras et l’entraîna avec lui. C’était Otogi. Ce qui ne la rassura pas pour autant.
– Qu’est-ce qui se passe ? lui demanda-t-elle.
Mais il ne lui répondit pas avant qu’ils ne fussent arrivés et installés dans leur voiture, garée un peu plus loin de leur base pour éviter tout soupçon. Cela dit, sa propreté impeccable et irréprochable alliée à la brillance de son noir métallique attiraient déjà les regards des passants. Niveau discrétion, ce n’était donc pas l’idéal. Fameginkgo n’était pas à une contradiction près…
– Tu as vu l’information ce matin ? commença Otogi.
– Euh, non. Enfin, pas de celles dont Fameginkgo s’occupe.
(Même si elle n’avait toujours pas cerné le champ d’activité de l’organisation secrète.)
– Un satellite s’est crashé au sud de Domino. Heureusement, il n’y a aucune victime. Le problème, c’est qu’il n’y a aucun numéro d’identification international contrairement à tous les objets spatiaux envoyés depuis la Terre.
– Ah, c’est grave, ça ?
Otogi soupira et tourna son visage vers Anzu au lieu de fixer la route. Une attitude plutôt dangereuse au volant.
-T’es sérieuse, là ? Bref. Il y a quasiment sept milles satellites ou autres objets envoyés dans l’espace répertoriés par la NASA. En identifier un n’est normalement qu’une question de minutes une fois qu’on a le numéro. Mais pas pour celui-là. Du coup, on ne peut pas déterminer son origine. Et c’est là qu’on intervient. Grâce à la technologie et aux logiciels de Fameginkgo, on devrait pouvoir résoudre l’affaire. Peut-être.
– Passionnant.
Otogi se concentra sur la route, désespéré par l’attitude de la nouvelle recrue. Déjà si aigrie, à son âge. Voilà qui promettait pour sa vieillesse. Enfin, si elle vivait jusque là…
Ils arrivèrent enfin sur le lieu du crash, en plein milieu de la forêt. Des arbres calcinés étaient tombés sous l’impact de l’objet spatial et le large cratère qu’il avait formé en s’écrasant fumait encore, tandis que des flammèches mouraient lentement en divers endroits. Le capitaine tendit deux masques à gaz aux deux arrivants.
– On sait jamais, fit-il, plus prudent que d’habitude.
Anzu réprima un fou rire. Avec sa coiffure bigarrée et son masque à gaz, son patron avait fière allure. Elle remarqua que Honda était déjà au boulot, ayant branché son ordinateur pour tenter de briser les codes de sécurité de l’appareil. Otogi sortait ses affaires pour l’assister dans sa tâche. Et elle, qu’allait-elle bien pouvoir leur apporter comme aide ?
– Ah ! lâcha Honda, comme surpris.
– Qu’y a-t-il ?
– Il semble qu’on soit tombé sur un gros poisson…
– Mais encore ?
– La KaibaCorp.
– Tiens donc.
– J’essaie de déterminer à quoi pouvait servir ce satellite, ajouta Otogi.
– Que sait-on sur eux ? demanda Anzu, pour ne pas rester à l’écart.
Le capitaine Mutô se tourna vers elle. Impossible de savoir ce qu’il pensait à travers son masque, mais il semblait la dévisager d’un air intense.
– La Kaiba Corporation est une entreprise d’armement militaire. Du moins, c’était le cas jusqu’à la mort de son fondateur, il y a un peu plus d’un an. Depuis, ses activités se sont diversifiées. Le nouveau président du groupe tente une percée dans l’univers du jeu de société. D’où notre intérêt pour eux. Ce changement brutal a troublé bien des spéculateurs, et sa côte en bourse a plongé à la mort du précédent président, mais depuis, la hausse est continue. L’une des plus belles envolée, surtout en ces temps de crise. Ce qui rajoute à la suspicion.
– Et ce satellite pourrait être lié au gant ?
– Je vois que tu fais rapidement des liens, sourit-il derrière son masque.
– Kaiba… Ce nom me dit quelque chose.
– En effet, intervint Otogi. L’actuel président est le fils de Gôzaburô Kaiba, le richissime Seto Kaiba. Lycéen mais déjà responsable d’une entreprise mondiale. Et dans ta classe, lorsqu’il vient en cours.
– Et c’est là que tu interviens, Anzu. J’aimerais que tu enquêtes sur lui. Cela devrait être facile pour toi de te rapprocher de lui. Pendant ce temps, on va continuer nos investigations sur ce satellite et sur l’éventuel lien avec le gant. Peut-être que tout cela nous mènera à quelque chose. Ou pas.
Autant Anzu était contente de se voir confier une telle mission pour son premier jour, autant tout cela lui paraissait encore trop flou. Sans compter qu’elle ne savait pas comment elle allait aborder Seto Kaiba. Elle l’avait rarement vu en cours, et il lui avait parut orgueilleux, distant et solitaire.
***
Par la magie d’une ellipse temporelle, Anzu se retrouve dans sa salle de classe, à suivre un cours de japonais forcément ennuyeux à mourir. Surtout lorsque l’on a goûté à l’univers décalé de Fameginkgo.
Mais le fameux Seto Kaiba était là, dans le fond de la classe. C’était la seule chose qui la retenait de partir en courant. Il semblait absent et une aura de froideur émanait de lui. Peut-être aurait-il préféré assister à un conseil d’administration qu’à ce cour barbant.
Elle profita de la fin du cours pour l’aborder :
– Euh, excuse-moi ?…
Il tourna son regard hautain vers elle, sans toutefois daigner ouvrir la bouche. Ce serait trop lui demander de faire preuve d’amabilité, sûrement.
– Je me demandais… Est-ce que tu connais la KaibaCorporation, ou c’est un hasard totalement aléatoire que tu aies le même nom de famille que son président ?
– Cela ne te concerne pas, argua-t-il avec un sourire (?) glacial.
Et sur ces mots, il s’en fut. Alors que la journée était loin d’être finie. Aussi discrète que possible, Anzu le suivit.
***
De leur côté, l’équipe avait fait quelques avancées. L’engin spatial était bien issu des usines de la KaibaCorp. et, parmi ses différents missions, l’une d’elle consistait à garder contact avec tous les appareils conçus par la multinationale. Un moyen de surveiller leurs clients ?
Le lien avec le gant était donc avéré. Maï le sortit de son écrin. La puce électronique qu’il contenait avait été réactivé. Elle sentait que, désormais, il pourrait servir sur le long terme, même après la fin d’un duel. Il semblait bien que la KaibaCorp. cherchait à obtenir une place de marque dans le domaine du divertissement vidéo-ludique. Même si les monstres matérialisés paraissaient bien trop réels pour de simples hologrammes.
– Voilà qui nous donne les droits suffisants pour aller vérifier sur place, annonça-t-elle au capitaine Mutô. Surtout que le quartier général est implanté ici même, à Domino…
– Effectivement, approuva-t-il. Otogi, Maï, vous venez avec moi. Honda, essaye de voir si tu peux en apprendre plus sur la Kaiba Corporation, notamment sur l’ancien patron. Jôno, prépare-moi un café pour mon retour, merci.
Sur ce, ils sortirent de leur quartier général et roulèrent directement vers le centre-ville de Domino, où la tour de la KaibaCorp. dominait largement les autres buildings. A leur entrée, ils observèrent l’allure de l’immeuble. Sa hauteur donnait le vertige. La folie des grandeurs, comparable à l’ego surdimensionné de son boss. Les statues de dragons qui cernaient l’entrée étaient imposantes et même intimidantes dans leur réalisme accru. Ils paraissaient presque vrais…
Le capitaine Mutô entra, suivi de près par Maï et Otogi. Derrière un bureau entièrement blanc trônait une secrétaire qui devait faire semblant d’être occupée alors qu’elle envoyait des pokes à ses amis connectées sur Facebook.
– Bonjour, s’introduisit gentiment Yûgi. Je suis le capitaine Yûgi Mutô. Moi et mon équipe aimerions obtenir un entretien avec votre patron, Seto Kaiba.
– Bonjour, répondit la femme, un rien suspicieuse, le jaugeant d’un regard qui désapprouvait vivement son attitude vestimentaire. Aviez-vous un rendez-vous ?
– Oh, pas besoin de ce genre de préoccupation bassement administrative avec nous…
– Vous ?
– Fameginkgo.
La secrétaire haussa un sourcil, tandis que le capitaine affichait un sourire plein de suffisance. Derrière lui, Maï avait croisé les bras sous son opulente poitrine et Otogi pianotait déjà sur sa tablette tactile. Yûgi sortit son porte-carte, montrant ainsi le fameux sésame qui lui offrait tout droits, au-dessus des lois et du gouvernement.
La femme l’examina, sans pour autant montrer un signe de reconnaissance. L’existence de Fameginkgo était inconnue du grand public, mais à force de traiter les cas les plus bizarres qui avait sévi dans la région, ils étaient devenus une sorte de légende urbaine. A priori, cette secrétaire ne les connaissait pas du tout.
Mais ils n’eurent pas à attendre longtemps avant de rencontrer le patron de la Kaiba Corporation. Derrière eux, celui-ci venait de faire son entrée.
– Ah, monsieur, l’interpella la secrétaire, ces messieurs-dames ici présents aimeraient vous voir un instant, si votre planning le permet, bien entendu.
Il les dévisagea un à un, intrigués mais sans plus.
– Bien, lâche-t-il à contrecœur. Suivez-moi.
Il les guida jusqu’à son bureau, tout en haut de la tour, au dernier étage. Avec une vue panoramique sur la ville. C’était impressionnant. Seto Kaiba laissa entrer le trio et referma doucement la porte derrière eux, avant de s’installer confortablement sur son siège rembourré. Il n’y avait que deux fauteuils en face de son bureau, offrant un cruel dilemme à l’équipe. Qui resterait debout pendant toute la durée de l’interrogatoire ?
***
Anzu était arrivée au siège, avec un peu de retard, mais elle avait réussi à ne pas être remarquée tout au long de sa filature. Pour un premier essai, c’était plutôt réussi.
– Je viens voir Seto Kaiba, annonça-t-elle à la secrétaire.
Celle-ci lui rit au nez.
– Il est occupé, jeune demoiselle. Peut-être puis-je vous prendre un rendez-vous ? En début de semaine prochaine ? Cela vous ira-t-il ?
– Que ? Non, c’est urgent.
– Écoutez, coupa-t-elle d’un ton sévère, j’ai déjà vu des écervelées de votre genre. Ici, c’est le centre des affaires de la Kaiba Corporation, pas un lieu de rendez-vous galants.
Anzu s’empourpra. Ce n’était pas du tout ce à quoi elle pensait, et cette méprise lui fit perdre les moyens. Rouge de honte, elle sortit sans même une formule d’au revoir. Même elle pouvait perdre ses bonnes manières.
***
– Bien, que puis-je pour vous, monsieur…?
– Capitaine Yûgi Mutô, et voici mes associées, mademoiselle Kujaku Maï et monsieur Otogi Ryûji. (Seto Kaiba hoqua la tête, attendant la suite : ) Nous sommes car nous aimerions obtenir quelques renseignements concernant vos… activités.
– Développez.
– Eh bien, je suppose que vous êtes au courant de la perte d’un de vos satellites, écrasé à quelques kilomètres d’ici.
– Comment avez-vous eu accès à cette information classée confidentielle ? s’insurgea Kaiba.
– Voilà un aveu qui confirme nos soupçons, susurra Maï.
– Vos soupçons ? (Il les regarda un à un, se demandant soudainement à qui il avait réellement à faire : ) Mais de quoi parlez vous ? J’avoue ne pas comprendre où vous voulez en venir…
Il jouait bien l’innocence, mais cela ne prit pas :
– Votre satellite comportait plusieurs programmes intéressants, intervint Otogi, notamment un qui pourrait s’apparenter à de l’espionnage ainsi qu’à de l’atteinte à la vie privée de vos clients. A croire que votre entreprise a gardé ses habitudes passées. Comme si l’on pouvait conquérir l’industrie du jeu avec des programmes militaires.
– C’est une stratégie comme une autre, concéda Seto.
– Certes, mais que dirait le grand public s’il apprenait la vérité ? Par notre intermédiaire, par exemple…
– Serait-ce du chantage ?
– Non. Mais attendez, ce n’est pas fini. Nous avons d’autres éléments à charge.
– En effet, continua Maï, nous avons récupéré, par hasard, un gant de duel. Un prototype à peine sorti d’usine, mais qui semble déjà bien performant. En chargeant certains des logiciels contenus dans votre satellite et avec l’aide de la puissance du réseau de Fameginkgo, nous avons pu avoir accès à toutes les données qu’il abritait. Ainsi qu’à la moindre de ses fonctionnalités.
– Et ? s’agaça Seto, ne voyant pas où était le problème.
– Et alors on se demande par quels moyens avaient vous réussi à matérialiser les monstres issus de ce jeu de cartes.
– Magic & Wizard, précisa le capitaine.
– Oh, il s’agit d’un partenariat économique avec la société productrice, rien de bien méchant. Le procédé n’est d’ailleurs pas complètement au point, mais si vous avez des suggestions pour l’améliorer, nous sommes preneurs. Autrement, je ne vois toujours pas en quoi ce seraient, je vous cite, « des éléments à charge » contre moi et la KaibaCorp.
Le capitaine Yûgi Mutô sourit victorieusement :
– Parce que l’on sait la vérité, peut-être ?
– Vous avez déposé des brevets concernant les technologie permettant la « simulation virtuelle » de ce jeu de cartes et la demande de mise sur le marché devrait vous être accordée sous peu. Sauf que tout cela n’est pas virtuel, ni sans danger. Et vous le savez très bien.
Seto Kaiba sourit, rassuré.
– Vous n’avez aucune preuves. Je ne vois là que des affabulations. Je devrais me sentir offensé.
– Et si on faisait un jeu ? proposa Yûgi.
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Et voilà l’entrée en scène de Seto Kaiba et le début des choses sérieuses. J’ai dû couper ce chapitre en deux car il était plus long que prévu. Globalement, j’ai été obligé de faire plusieurs rajouts de chapitres et de changements de découpage suite à un wordcount par chapitre plus élevé que ce je prévoyais.
Le titre du chapitre est directement tiré du deuxième épisode de Torchwood, le début est une référence à la météorite qui s’écrase près de Cardiff, mais pour le reste, on retourne dans l’univers de Yu-Gi-Oh. Et on va y rester longtemps.
Sinon, je profite de ce billet pour faire le bilan de ces deux premières semaines, puisqu’on a largement terminé la première moitié du mois. Et bien, le cap des 30k est franchi. Plus de 50% puisque j’ai à nouveau augmenté la difficulté. Alors même que mon boulot du matin m’empêche d’écrire aussi vite qu’avant. Tant pis, j’aime les défis !
En tout cas, d’un point de vue réaliste, il me paraît clair que si j’atteint mon but dans le temps imparti, je n’en aurais pas pour autant réellement terminé avec mon Nanotruc puisque au niveau des chapitres, j’en suis à peine à, disons, au pif, 40% du total imaginé. Encore une belle marge niveau écriture !
(En fait je veux bien que tu m’éclaires sur Fameginkgo, parce que je suis en train de péter un câble dans ma tête pour en trouver la signification)
Y a un indice dans un futur chapitre, le neuvième je crois, donc j’avoue que l’attente risque d’être longue. Cela dit, j’ai mis pratiquement tout mon stage à trouver un anagramme potable et prononçable, alors, hein, je suis plutôt content qu’il résiste un peu à tes attaques. :3
Fameginkgo = King of Game. =)
J’avais trouvé King \o/
Il s’en est fallu de peu. Il ne te manquait pas grand chose, dommage. :3
Surtout qu’on parle de Yu-Gi-Oh, le roi du jeu, hein, quand même, voyons. >__>
C’est surtout le roi des bègues. C’est l’heure du dududu duel !